L'étrange clarté du geste
L'arabesque harmonieuse du mouvement est indissociable du temps, de la succession des attitudes, de la continuité. Il en est de même de presque tous les gestes de notre vie. Le paradoxe de l'artiste peintre, mais surtout du sculpteur, est de mettre en lumière cette harmonie en arrêtant le mouvement. Le mouvement, celui qui débute et qui finit, ne s'accorde pas à la terrible fixité des œuvres plastiques. Pour traduire sans trahir, suggérer sans arrêter, l'artiste ne peut éviter de se poser des questions. Il lui faut faire un choix intuitif qui peut se révéler aussi bien mauvais que bon. Peu d'artistes parviennent à trouver le mot juste, encore moins y réussissent à tout coup.
Les petits personnages de terre de Denise Benoit font exception. Ses grandes sculptures aussi bien sûr, mais c'est dans la finesse des attitudes des petits modèles que nous parvenons le mieux à saisir cette qualité indéfinissable qui met en clarté le geste vrai.
Repos ou action, pensée ou mouvement, toute une minutie, fruit d'un incontestable talent de dessinateur, entretenu par des années de pratique de la décoration de faïences, se met au service de la pose. Sans jamais être lascives, les poses ne sont pas exemptes de sensualité.
Quant aux personnages surpris dans les gestes de la vie de chaque jour, truculents, terriblement vrais, c'est presque naturellement qu'ils viennent à la vie, sortis des croquis pleins d'humour et de vérité, empilés dans son atelier.
Marc Anckaert